Dogmatisme moral et scepticisme moral semblent en dernière instance aboutir au même résultat : une incertitude morale généralisée.
Les moralités de fait, portées par les coutumes et usages des différentes cultures et sociétés, affirment comme des vérités données et intangibles leurs valeurs, leurs principes et leurs interdits. Cependant, cette affirmation semble reposer sur une forme d'arbitraire, celui du lieu et de l'époque dans lesquels le sujet moral est né, et exercer de ce fait sur ce dernier des formes de coercition, douces lorsqu'elles recherchent son adhésion par voie d'accoutumance ou de persuasion, violentes lorsqu'elles se font répressives. À l'épreuve de ces limites se pose la question du fondement en raison de chacune de ces moralités dogmatiques, si elles ne prétendent valoir que du seul fait qu'elles sont déjà établies.
La pluralités dans le monde de ces moralités dogmatiques, ainsi que leur caractère divergent entre elles, conduit de plus à mettre en question la légitimité morale de chacune : le relativisme moral ne résulte au fond de rien d'autre que du dogmatisme moral décliné au pluriel. Chaque norme sociale, et partant morale, n'est norme que pour soi, et non pour les autres. Si l'adoption d'une moralité plutôt qu'une autre n'est jamais en dernière instance que l'effet des circonstances, si la relativité au temps et au lieu, et partant la contingence de ces moralités conduit inévitablement à penser qu'au fond chacune vaut bien n'importe quelle autre, alors le sujet moral semble naturellement conduit à devoir suspendre son jugement et adopter une attitude sceptique.
Une telle attitude sceptique est-elle cependant concrètement tenable, si les exigences et les urgences de la vie réelle nous imposent toujours d'agir, et donc de choisir ? Ne pourrait-on imaginer définir, par-delà la diversité des morales dogmatiques, la matrice ou la forme universelle de toute morale, qui permettrait d'envisager la définition d'une morale définitive ?
Un tel projet philosophique supposerait cependant un changement radical de plan d'analyse : passer du plan de la description, historique, sociologique, ou ethnographique, des mœurs et des faits moraux, au plan de la forme rationnelle, en un mot passer du fait au droit, de la question "quid facti ?", "de quel fait ?", à la question "quid juris ?", "de quel droit ?".
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/philosophie-terminale ou directement le fichier ZIP Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0